L’atelier d’artiste fascine, cet endroit dans lequel les choses prennent forme. Le terme d’atelier est plutôt associé au peintre et au sculpteur, cet endroit (que je vais simplifier) réservé à une production, à une matérialisation d’idées.

C’est aussi l’espace au calme pour l’écrivain, le studio pour le musicien et le danseur, le garage pour l’entrepreneur … il est entre autres lieu d’émergences, de sécurisation, de tranquillité, d’essai, d’énergie consacrée à une création : sauf que l’atelier ne fait pas création dans sa totalité, il vient la faciliter, la rendre concrète, c’est un lieu de passage. 

Et s’il existait en amont un autre atelier, plus subtil, moins tape à l’œil, quelque part où la matière n’a pas encore émergé mais dont le potentiel est immense. C’est ce que j’appelle l’atelier intérieur. Un espace où le temps et la matière ne sont pas convoqués de la même manière. Dans l’atelier intérieur, tout regard, sensation, émotion, émerveillement, perception et autres leviers de résonance viennent nourrir notre capacité d’imagination, de créativité, notre potentiel de création et de réinvention. 

L’atelier intérieur est un endroit de maturation permanente dans lequel toutes les combinaisons sont envisageables, toutes les idées, les époques, les matériaux peuvent interagir ensemble, le potentiel est immense.

Dans l’atelier intérieur les murs n’existent pas – sauf si nous souhaitons en mettre – l’imagination, la rêverie, l’accès à tous les possibles créatifs sont infinis. Encore faut-il s’autoriser à en ouvrir la porte et l’accepter.

 C’est tout un monde qui existe en chacun de nous.  Un monde qui s’enrichit de nos environnements, de notre vie, nos expériences, nos rencontres, nos croyances, nos valeurs mais aussi et surtout par tout ce qui n’est pas nous, par tout ce que nous n’avons pas intégré dans notre manière de voir le monde. L’horizon est vaste et infini. Cet espace a une capacité d’accueil incroyable si la place lui est laissée : plus on découvre, plus on ouvre. 

L’atelier intérieur est le plus grand espace de liberté que nous pouvons connaître. Il est nourri et animé par notre capacité à nous ouvrir à toute forme d’existence, de vie, de présence, par tout ce qui est… L’atelier intérieur est un laboratoire qui permet de transformer nos modèles mentaux.

Cet atelier intérieur questionne la relation entre intériorité et matérialité, entre imagination et concrétisation, entre l’invisible et visible, entre le Beau et le Vrai…Ce qui peut différer est la manière dont chacun va ou non le matérialiser, le rendre visible aux yeux des autres, l’exprimer, le rendre concret. L’atelier intérieur est un monde qui trouve toute sa place dans notre quotidien, encore faut-il le solliciter.

Ce matin en écrivant ces quelques lignes, je suis accompagné par des tourterelles et une grive qui parallèlement construisent leur nid dans la glycine de ma terrasse. J’observe et suis plutôt fasciné par ce ballet de battements d’ailes et de recherche de brindilles et mousses. Je ne sais pas ce que je ferai de ce moment mais je sens toute l’étendue de ce que je vois. Il s’agit déjà de la construction d’un nid dans sa fonctionnalité et si je prends le temps d’ouvrir je vois une manière d’habiter l’espace différente de la mienne, un lieu pour donner vie, une leçon de cohabitation entre espèces, mon rapport à la famille, … mon intériorité résonne, mon atelier intérieur reçoit, s’alimente et je sais que cela contribuera d’une manière ou d’une autre à une expression concrète de ma part, à la réutilisation de ce moment, à une réappropriation de ce que j’ai vécu.

Servons-nous de notre sensibilité, de notre capacité à vivre avec tous nos sens, de notre capacité d’émerveillement et d’accueil du nouveau pour construire la multitude. En regardant le monde comme nous pourrions le faire face à une œuvre d’art, en faisant appel à nos propres sensations et en les questionnant, nous apprenons et nous ouvrons. Chaque regard est apprentissage, chaque moment peut nourrir notre atelier intérieur. Tout peut être un appel à nous rendre plus vaste. Prenons en soin c’est une question de joie.

Il s’agit de l’Atelier Rose d’Henri Matisse